Musée

De l'auberge La Moderne au musée

Le musée est né d'une conservation départementale d'ethnographie créée en 1976 et de l'achat d'une ancienne auberge en 1987.

A l'origine

Un hôtel épicerie dépendant d’une scierie

La Brie est un territoire boisé. De nombreuses scieries fournissant du bois étaient installées dans la région. A Saint-Cyr-sur-Morin, une scierie fut créée par Georges Simon au début du 20ème siècle. Celui-ci travaillait auparavant directement sur les lieux de coupe du bois, selon un système de scierie ambulante fonctionnant avec une locomobile. En 1905, il acheta le terrain sur lequel il fit construire L’Hôtel Moderne qui, à l’époque, assurait également la vente de bois de chauffage, de charbon, de vin en gros et d’articles d’épicerie.

La partie hôtelière permettait de loger la clientèle de la scierie qui jouxtait l’auberge. Cette clientèle était composée principalement de commissionnaires qui achetaient le bois pour le revendre aux artisans. Ce bois fut aussi vendu pour la fabrication de traverses de voies ferrées et de caisses d’armes pendant la guerre 1914-1918. Le bois provenait principalement de coupes achetées aux propriétaires de terrains boisés. Peu à peu, la scierie l’emporta sur les autres activités commerciales de Georges Simon et vers 1920, son fils Daniel acheta la scierie Daumont située à la sortie du village vers Saint-Ouen-sur-Morin et la modernisa en réservant une large place au sciage mécanique. Cette scierie ferma définitivement ses portes en 1987.

Une collection d’outils dans une auberge

L'arrivée des Guibert

Les Guibert, cafetiers de la rue de la Roquette, dans le 11ème arrondissement de Paris, et nouveaux acquéreurs de l’hôtel Moderne, arrivent à Saint-Cyr-sur-Morin en 1926, séduits par l’aspect campagnard de la vallée du Petit-Morin, un environnement sain pour élever leurs deux fils.

Pierre, le plus jeune des deux enfants, est alors âgé de six ans. A sa sortie d’école, vers quatorze ans, il commence à travailler à l’auberge et c’est à cette époque, que fasciné par l’atelier et la technique du sabotier du village, il acquiert son premier outil, une doloire à ébaucher le bloc de bois d’où naît le sabot.

En 1946, il prend la direction de l’auberge et vers 1956, y présente sa collection d’outils, d’abord dans l’entrée puis dans la salle de danse du restaurant. Profondément collectionneur, amoureux des objets plus que folkloriste, ce Parisien d’origine s’est surtout intéressé à l’outil d'une société rurale, celle qui l’entourait et dans laquelle il a grandi, celle qui était en train de disparaître sous ses yeux et dont il voulut coûte que coûte arracher des vestiges au rouleau compresseur de la modernité et du progrès technique.

La collection de Pierre Guibert

« Pierrot, l’aubergiste de Saint-Cyr, collectionne les outils de travail. Pas pour les utiliser à la sauce rustique, en changeant leur destination, pas pour bricoler un lustre avec la herse de bois, une lampe de chevet avec le fer à repasser des tailleurs de jadis, pas pour encadrer un miroir, dans le collier de la mule.

Les outils ne sont point à ses yeux un matériel de décoration mais un émouvant héritage. Il ne recueille que des objets fatigués, qui ont, pour certains, gagnés le pain de l’artisan de père en fils, en petit-fils, marteaux écrasés – tête arrondies par les coups – faux amaigries par la pierre à aiguiser, bêches sucées par la terre, haches à demi dévorées par les meules, moignons de ciseaux… Les manches portent l’empreinte royale, celle des cals ; sombres, vernis, lisses, ni gris ni noirs, durs et tièdes, ils n’ont plus de couleur, ils ne sont plus de bois, ils sont de chair.

Pierrot aligne ses outils, les époussète. Il les entretient, c’est tout. On peut les voir sans payer : ils ont assez gagné de sous en leur temps. L’hôtelier les soupèse, les caresse, les interroge. Il les écoute, reconstitue leur vie. Il lui faut souvent des années pour lier connaissance. Quand ses doigts se posent sur l’un d’eux, j’observe les yeux de mon ami. Quelque chose passe en lui de l’outil ; il a de longs tête-à-tête avec le plus quelconques des sabots. »

Jean-Pierre Chabrol, Contes d’Outre-temps, 1969

Il était le grand ordonnateur des fêtes et des événements importants qui rythmaient la vie des acteurs de cette société (baptême, noces, fêtes locales, répétitions de la fanfare…). Il leur offrait, par la présentation de son musée d’outils, le miroir de leur quotidien et de leur labeur, au moment même où ils en goûtaient la récompense. C’est ainsi que cette mémoire se transmettait aux enfants. A l’auberge La Moderne se concentrait l’âme de ce territoire ni parisien ni provincial, dont les nouveaux arrivants pouvaient s’approprier immédiatement la substance.

La transformation en musée

L'acquisition par le Conseil général

En 1987, Pierre et Mauricette Guibert prennent leur retraite. Ils souhaitent alors que leur auberge devienne un musée : le bâtiment et la collection qu’il contient sont acquis par le Conseil général de Seine-et-Marne.

L’étude de la collection est entreprise ; à celle-ci s’ajoute celle que la conservation départementale d’ethnographie a acquise depuis sa création en 1976, principalement par dons et collecte.

L’inauguration du musée

Le musée départemental des Pays de Seine-et-Marne est inauguré en mai 1995.

L’ex-hôtel a été transformé et agrandi par l’architecte Pierre Mougin, et la muséographie créée par Pierre-Yves Catel et Olivier Schimmenti.

En 2011, le musée devient le musée départemental de la Seine-et-Marne, nom qui correspond davantage à ses activités actuelles.

Un musée de société et de territoire

C’est un musée de société et de territoire. Quelle est sa responsabilité principale ? Séduire, instruire ? Sans doute. Mais c’est avant tout d’aider chacun à comprendre qui il est parmi les autres, qui sont ces « autres », et comment interagit avec ce « tout » dans un espace social et environnemental qui n’est que le fruit de ce que l’homme en fait. Le visiteur y est considéré comme acteur, tout autant que spectateur, comme sujet culturel davantage que comme consommateur culturel.