Pierre Mac Orlan

Manuscrit « Rugby »

C’est vers la fin du 19ème siècle que Pierre Mac Orlan découvre le rugby, sport anglais qui venait tout juste d’être découvert en France. Il s’enthousiasma pour ce sport d’équipe, son esthétisme et ses tenues colorées, le pratiqua dans sa jeunesse et lui consacra plus tard de nombreux textes.

Quand Mac Orlan parle du rugby

« Nous vivions dans le rayonnement esthétique et sentimental du rugby. Nous aimions les maillots et les bas aux belles couleurs de notre club, et les souliers à crampons, et les blazers à la poche ornée du monogramme de l’équipe.... En ce moment, il ne peut être question pour moi de revêtir les bas cerclés de noir et de jaune et les maillots aux vives couleurs de mon adolescence. Cependant d’évoquer ces détails m’apporte l’odeur qui me paraît toujours merveilleuse de la mercerie neuve, quand les ficelles coupées et le papier d’emballage déchiré, apparaissent les frais maillots qui allaient servir pour la coupe du championnat entre Bourges, Chartres et Orléans. »

Pierre Mac Orlan, Masques sur mesure

" Le rugby n'est pas un jeu, c'est une force qui s'offre comme un don, elle est trop puissante pour ne pas être partagée "

" Assister à un match de rugby, c'est faire une cure de jouvence, car c'est une projection de force physique et morale dont les éléments s'incorporent facilement et chacun de nous peut en profiter en les adaptant à ses besoins et à ses propres dons. "

" Le terrain de jeu du vieux lycée d'Orléans longeait, je crois, les rives du fleuve. On laissait tomber la capote noire à boutons dorés pour apparaître en maillot, le maillot noir et jaune des équipes de rugby de ce lycée. "

" C'est à Rouen, vers 1902, que j'endossai le maillot rouge à col bleu marine du football club de Rouen, où l'on ne connaissait que le rugby. Je jouais demi à l'ouverture... Une sortie de mêlée, c'est, avec le recul des images de jeunesse, une entrée dans la vie. Un demi d'ouverture est marqué par ce rôle peut-être pour le restant de sa vie : c'est aussi une seconde d'instinct contrôlé devant une sorte de carrefour d'où s'échappent plusieurs routes à choisir, des bonnes et des mauvaises, dont la proportion varie selon la bonne ou la mauvaise chance de chacun...Au moment que j'éteins le jeu des quatre-vingts bougies, je ne parviens pas à éliminer les souvenirs d'Orléans et de Rouen, le souvenir des maillots neufs noir et or ou plus simplement rouges, et des chaussettes à crampons, lacées de cordonnets blancs noués sur le dessus du pied. C'est peu, dira-t-on, mais c'est bien, c'est substantiel puisque ces éléments, que beaucoup jugeront précaires, nourrissent encore un détail secret et puissant du plaisir de vivre malgré tout."