Carlos DEVOGÈLE, 63 ans, Belge d'origine
Une famille belge
La famille, originaire de la région de Courtrai, travaille dans le textile. Après la Grande Guerre, le pays est dévasté, une partie de la famille émigre au Chili, une autre au Canada, ses parents optent pour la France.
Ils connaissent le pays ; ils se sont rencontrés en Normandie, sa mère était en vacances et son père venu acheter du lin pour l’usine paternelle. En outre, l’oncle et la tante de sa mère possèdent une propriété en Seine-et-Marne où ils fabriquent du lin.
Le père de Carlos rachète cette propriété et la famille s’y installe au tournant des années 1950. Le père, associé à son beau-frère, commence la production de la fibre avec 20 hectares de terres cultivés par des agriculteurs. Car le lin s’achète sur pied et « le lin c’est comme le vin, il y a des bonnes et des mauvaises années ».
Sa vie en France
Carlos a 4 ans. La Belgique, l’odeur des gaufres cuisinées par sa grand-mère, sont lointains. Il se rappelle que dans la maison où ils arrivent, il n’y a plus rien, les carreaux sont cassés, pas de chauffage ; les premiers mois, la famille vit dans la cave, l’endroit chaud de la maison.
Carlos, qui ne parle pas français, fréquente l’école maternelle de Coulommiers, il se souvient encore de sa découverte du film Cendrillon. Le père apprend la langue française : pour lui, c’est une condition de réussite et c’est un signe de distinction sociale.
À la maison, on parle flamand entre compatriotes ; ils sont nombreux installés ici après la guerre 1914-18. Ce furent les premiers clients. Aujourd’hui, Carlos travaille avec leurs petits-enfants. Adolescent, Carlos devient champion d’athlétisme départemental. Son brevet en poche, il apprend le métier paternel. En 1968, il épouse une Française née à Coulommiers dans une fratrie franco-belge.
En 1973, il rachète les parts de son oncle puis associe son beau-frère. Carlos, qui a fait son service militaire en Belgique, demande sa naturalisation à la naissance de ses enfants. Son père a voulu faire de même, mais a renoncé face aux difficultés administratives engendrées par la perte de ses papiers pendant l’exode. Sa mère ne l’a jamais demandée.
Tous les deux reposent aujourd’hui au cimetière de Chailly-en-Brie. Carlos parcourt le département, fait parfois ses visites de champs à bicyclette, il travaille avec une centaine d’agriculteurs autour de Coulommiers et connaît toute la région. Le lin, c’est l’histoire de sa famille.