A.G,. 92 ans, Yougoslave d’origine
Née en Yougoslavie
Aujourd’hui, son pays natal porte le nom de Croatie. A. grandit, à la campagne, non loin de Zagreb, dans une famille de 7 enfants. Son père est maçon. À l’âge de 15 ans, la question du mariage se pose cruellement.
Dans la région, pas question de rester vieille fille, se marier est un devoir et une obligation sociale. La jeune fille refuse ce destin.
Encouragée par le maître d’école et accompagnée par une amie également rebelle, elle se rend en cachette à la capitale au bureau d’embauche du consulat de France.
Pour trouver l’argent nécessaire au voyage, elle vend sous le manteau les 3 louis d’or offerts pour ses 15 ans, c’est la coutume.
Sa vie en France lors de la Seconde Guerre mondiale
Elle quitte son pays un jour de neige. Elle arrive à Toul, le centre de transit des ouvriers recrutés sous contrat, en 1938. Embauchée dans une grosse exploitation à Verdun, elle assume l’ensemble des corvées domestiques aux côtés des ouvriers agricoles venant de tous les pays d’Europe.C’est là que sa patronne, pour des raisons personnelles, modifie son prénom.
Un des rares dimanches où elle ne travaille pas, elle rencontre un Moscovite qui lui propose, une fois ce contrat terminé, de le suivre à Paris. Elle l’épouse peu après.
À la veille de la guerre, elle est embauchée dans une famille pour s’occuper des 3 enfants. Elle apprend à faire du vélo. Son mari, devenu sans papiers, s’engage sous le drapeau français. Fait prisonnier, il s’échappe. Le père de la famille dont elle s’occupe est également fait prisonnier.
Lorsqu’il rentre, atteint de typhoïde, la famille s’installe en Seine-et-Marne, à Busseroles. Les parents et deux des enfants meurent dans un accident d’avion.
Elle devient française après la guerre du fait de l’engagement de son époux.
Sa vie après la guerre
A. travaille successivement à la cantine d’Orly-sur-Morin, dans une usine de cartonnages à La Ferté-sous-Jouarre, puis dans une auberge, avant de retourner à l’usine de cartons.
Devenue handicapée de la main à la suite d’un accident de travail qu’elle a dissimulé, elle trouve un dernier emploi à la cantine scolaire locale, avant de prendre sa retraite.
Un autre frère vit encore France. Personne d’autre n’a émigré dans la famille. Sauf une sœur, tous les autres ont été tués, fusillés pendant la guerre, et du village bombardé il ne reste plus rien, pas même une photo de famille.