Pierre Mac Orlan

Mac Orlan et la BD

Pierre Mac Orlan a participé à l'émergence de la BD moderne. Ce dossier thématique vous invite à en apprendre plus sur ce sujet.

La bande dessinée

Les débuts de la bande dessinée

Les illustrés français d’avant 1914 restent encore en grande partie mal connus, et recèlent sans doute quelques surprises.

C’est seulement en 1985 qu’ont été découvertes deux bandes qui furent probablement les premières en France à comporter un texte entièrement placé dans des bulles :

  • Sam et Sap de Rose Candide (pseudonyme du dessinateur montmartrois Émile Tap) sur un texte de Georges Le Cordier, « aventures surprenantes d’un petit nègre et de son singe », publiées en 1908 dans les journaux Saint Nicolas et L’Écolier illustré puis la même année en album chez Delagrave ;
  • Frip et Bob, deux jeunes globe-trotters farceurs créés en 1910 (dessin et texte) par le futur romancier Pierre Mac Orlan pour L’Almanach Nodot 1911 (la série est continuée par Mac Orlan dans l’almanach de 1912, et par Solar d’Alba dans ceux de 1913 et de 1914).

Les bandes dessinées à bulles nées avant la Première Guerre mondiale restent sans influence, et il faut attendre la création par Alain Saint-Ogan (1895-1974) de Zig et Puce en 1925 pour voir le succès d’une œuvre n’ayant recours qu’à des bulles.

Mais l’extraordinaire engouement suscité par cette série s’explique par le déclin de la production après 1914 (les autres héros sont datés), et par un phénomène de mode dont bénéficie le compagnon d’aventures des deux garçons, le pingouin Alfred, qui suscite de nombreux produits dérivés.

Pierre Mac Orlan et la Bande Dessinée

Pierre Mac Orlan (Pierre Dumarchey, 1882-1970) et la bande dessinée : des débuts dans la vie artistique

Jeune homme, Pierre Mac Orlan souhaite devenir dessinateur et peintre.

« En ce temps là, mon imagination semblait limitée par l’imagerie de la vie sportive. La peinture et le dessin me tentaient parce que je pensais que ces deux arts combinés pourraient me mettre en rapport avec le peuple de la nuit. »

« J’ai dessiné, j’ai peint, parce que j’avais faim, et je crois bien que j’ai fini par écrire pour une raison à peu près équivalente. »

A Montmartre, il peint des scènes sportives : « quand j’étais jeune homme, je me mêlais volontiers à l’éveil de la forêt pour dessiner dans la brume sympathique des lads de tous âges qui conduisaient leurs chevaux à l’entraînement…
Je vivais mal de quelques croquis sportifs qui usaient trop de couleurs…sorties de mêlées, lads au petit matin à Chantilly, départs de 100 m et quadruplettes dans un virage à 45° au vélodrome de la Seine… Tout mon avoir tenait dans un carton à dessins »

Monsieur Homais voyage

Juste avant d'être intégré au 156e Régiment d'infanterie, en octobre 1905, il obtient ses premiers engagements comme peintre et illustrateur.

Il décore l'intérieur d'un auberge à Saint-Vaast-Dieppedalle, et surtout illustre le roman écrit par un de ses amis rouennais : Monsieur Homais voyage, de Robert Duquesne, mettant en scène le personnage de Flaubert.

Ces gravures sur linoléum sont signées, pour la première fois, du nom de Pierre Mac Orlan.

« Tout en dessinant pour Duquesne, je décorais l’auberge du Père Vacher. Je suppose qu’il ne doit rien rester de toutes ces merveilles. Les quatre grands panneaux de la salle de restaurant furent livrés à ma fantaisie encore hésitante. Je peignis la mise à l’eau d’un « huit ».
Puis, à la demande du patron, la catastrophe du Farfadet, un de nos sous-marins qui venait de se perdre corps et biens. C’est alors que les difficultés se présentèrent. Le Père vacher, qui tenait à son idée, voulut que je peignisse le sous-marin, naturellement au fond de l’eau, mais en coupe, de façon qu’il fût possible de voir ce qui se passait à l’intérieur ;
Tous mes projets d’algues décoratives, d’étoiles de mer stylisées, et de poissons-lampes décoratifs furent abolis d’un seul coup…Le travail ne fut jamais achevé ».

La rencontre avec Gus Bofa

Les moyens de subsistance de Mac Orlan sont précaires : il essaie de gagner sa vie en vendant ses propres chansons de café-concert et en illustrant les couvertures des livrets des chansons d’autres auteurs (Montéhus, Gaston Couté), des ouvrages à caractère érotique qu'il publie sous pseudonyme.

« En attendant je me fends le cul en quatre pour pondre des dessins obscènes ! ».
Les marchands ne voulant pas de ses peintures, il essaie de placer ses dessins humoristiques dans la revue Le Rire, dirigée par Gus Bofa, que Roland Dorgelès lui présente.

Mais Bofa se montre peu enthousiaste devant ses dessins.
« Il regarda froidement mes dessins, m’offrit une cigarette, et me proposa tout de suite de lui écrire des contes ».

En revanche, il apprécie les légendes qui accompagnent les dessins. Il lui propose alors de rédiger des petits contes pour sa revue. C’est cette rencontre qui décide de la vocation d'écrivain de Mac Orlan. Elle marque aussi entre les deux hommes le début d'une amitié qui se poursuivra jusqu'à la mort de Gus Bofa en 1968.

À partir de 1910, devenu un collaborateur régulier de la revue Le Rire (puis du Sourire, son successeur, toujours sous la direction de Gus Bofa), il publie de nombreuses nouvelles humoristiques (réunies dans les recueils Les Pattes en l'air, Les Contes de la pipe en terre et Les Bourreurs de crânes entre 1911 et 1914).

Pour Le Sourire, il utilise la planche à cases et l’emploi de la bulle, mode créatif alors très rare chez les dessinateurs de presse de l’époque.

Frip et Bob

C’est dans l’Almanach Nodot qu’il se lance vraiment dans la bande dessinée, avec les péripéties de Frip et Bob, devenant ainsi le premier auteur complet de BD dont le récit est ponctué de vraies bulles pour faire parler les personnages.

En 1912, il publie son premier roman humoristique : La Maison du retour écœurant ; enfin, l'année suivante il épouse Marguerite Luc le 8 avril 1913.

En 1916, fantassin, il est blessé sur le front de la Somme. Décoré, réformé, libéré, il commente et illustre de 1917 à la fin de la guerre les événements du front et de l’arrière pour « La Baïonnette » et entame une carrière d’écrivain, de poète et de reporter pour la grande presse.

Il continue à faire des aquarelles jusqu’à la fin de sa vie, en peignant notamment sur des boîtes d’allumettes. Quant à ses dessins, ils sont intéressants par leur naïveté, leur fraîcheur joyeuse et leur extrême dépouillement.

Frip et Bob, bande dessinée de l’almanach Nodot (1911 et 1912) par Mac Orlan

Frip (pour Fripouillard) et Bob, de mise plus soignée, se rencontrent à Paris et partent en Bretagne dès la deuxième planche, au grand dam des Bretons. L’année suivante, désireux de faire le tour du monde, les deux farceurs se retrouvent au Maroc et en Chine, pour le malheur des autochtones, non moins naïfs que les Bretons.

Indépendamment d’une rare liberté graphique, Frip et Bob est la première série française à connaître plusieurs dessinateurs, Serge d’Alba succédant à Pierre Mac Orlan dans l’Almanach Nodot 1913 et 1914.

Adaptation contemporaine de ses romans en BD

Roi Rose, adaptée par David B., Gallimard, « Fétiche », 2009

Extrait de Chronique des jours désespérés, recueil de nouvelles conçues après la Grande Guerre.

Roi Rose conte la fable d’un bébé sauvé par les matelots fantômes du Hollandais volant, ce vaisseau mythique parcourant la terre en quête de la rédemption des ses âmes, attaquant cargos et paquebots pour y trouver de la nourriture susceptible de nourrir l’enfant roi avant de le rendre aux vivants.

Davis B., qui envisageait d’adapter cette nouvelle depuis 20 ans, transforme ce récit fantastique en une fable philosophique sur l’apprentissage et la vie et de la mort.

Son graphisme inventif, le foisonnement des cadrages et des couleurs, des expressions des protagonistes prêtent à cette bande dessinée un caractère halluciné où percent la malice et de désespoir de Mac Orlan.
Critiques de Yves-Marie Labé dans le Monde des Livres du 18/09/2009

A bord de l’Etoile Matutine, adaptée par Riff’s Reb’s, édition Soleil, « Noctambule », 2009

Un jeune mousse est forcé d’embrasser le destin des gentilshommes de fortune après avoir étranglé une paysanne.

Toute l’imagerie « piratesque » y est présente : îles perdues, abordages et vengeances, naufrageurs, trésors cachés, bars louches.

Un récit en bichromie, où ne font défaut ni têtes de mort, ni barils de rhum, et dans lequel Mac Orlan a mis tout son talent de voyageur, de conteur et d’humaniste.
Critiques de Yves-Marie Labé dans le Monde des Livres du 18/09/2009

La cavalière Elsa, adaptée par Jean Cubaud, 2010

Extrait d’une lettre de Mac Orlan à son ami Robert Duquesne, 15 juillet 1925
« En ce moment, je me repose en attendant les événements. Quels événements ? L’avenir est sombre. En écrivant, il y a quatre ans la Cavalière Elsa, je ne me suis peut-être pas trompé. C’est regrettable après tout. »

L’intrigue du livre se situe dans un avenir proche de la période de sa réalisation, vers les années 1930. Une nouvelle Jeanne d’Arc, juive, à la tête d’une armée de bolchevistes, envahit l’Europe.

Avec les surnommés Hamlet, Falstaff et Puppchen, lieutenants de Dorodjine qui commande les forces russo-chinoises augmentées des troupes allemandes, elle engage, après la guerre 1914-18 qui apparaît ainsi qu’une demi-finale, à peine éliminatoire, la partie qui se joue encore une fois en France, le terrain classique des grands matches internationaux.

Mais la conquérante, dont l’enfance fut misérable, est à son tour conquise par la vie parisienne et le peintre Jean Bogaert. Poignardée par Hamlet, elle se choisit une autre fin plus à sa convenance, et l’histoire s’achève avec son suicide par défenestration.

Ouvrages illustrés

Ouvrages illustrés par Pierre Mac Orlan

1905. Monsieur Homais voyage, par Robert Duquesne, éd. Librairie Universelle (linos gravés de Mac Orlan)

1911. Les Pattes en l’air, contes, éd. Ollendorff

1914. Contes de la pipe en terre, Edition moderne/librairie Ambert (ill. de l’auteur, couv. De Gus Bofa)

1917. U-713 ou les Gentilshommes d’infortune, éd ; Société Littéraire de France (vignette de couv. De Bofa et Mac Orlan, ill. de Gus Bofa)

1918. Les Mystère de la morgue, roman par Pierre Mac Orlan et Francis Carco, éd ; la Renaissance du Livre (ill. de Mac Orlan, couv. de Bofa)

1919. La Fin, souvenirs, Edition Française illustrée (croquis de l’auteur, couv. De Hémard)

1926. Sous la Lumière Froide, éd. Henri Jonquières et Cie (8 aquarelles de l’auteur)

1928. Rue Saint-Vincent, éd ; du Capitole (2 aquarelles de l’auteur)

1929. Les vraies mémoires de Fanny Hill, éd. Trémois (18 ill. de l’auteur, couv. de Touchagues)

1934. La Nuit de Zeebrugge, éd. Librairie des Champs-Élysées, coll. Le Masque (en couv. : Frontispice de l’auteur)

1956. Montmartre ou les Enfants de la folie, par Nino Franck, éd. Calmann-Lévy (1 dessin en couverture et 8 aquarelles de Mac Orlan)

Revues et journaux illustrés auxquels Mac Orlan collabora comme illustrateur

  • Le Rire. A partir de 1910, mais il n’illustra pas lui-même tous ses contes.
  • Le Sourire. 1911-1912 (histoires avec bulles)
  • La Bonne Chanson. En 1911.
  • Les coffrets (n°44 de juin 1911)
  • Le Journal. A partir de 1912.
  • L’Almanach Nodot, en 1911 et 1912 (et peut-être 1913). Sa série Frip et Bob fur reprise en 1914 par Serge d’Alba.
  • Fantasio. Un seul conte illustré par l’auteur en 1917 : la visite aux ruines (n°240, 15/01/1917)
  • La Baïonnette. A partir de 1917. Certains de ses articles sont illustrés par Gus Bofa.
  • La Grimace. En 1918.
  • Les Annales. En 1931.
  • En route. Revue hebdomadaire illustrée (1916-1919) : articles et dessins.