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Ludmilla et Wladimir Lentzy

Ludmilla, 78 ans, et Wladimir, 82 ans, sont tous deux d'origine russe. Tous les deux nés en France, ils nous racontent l'histoire de leurs parents et la leur.

Ludmilla LENTZY, 78 ans, Russe d’origine

Née en France d’origine russe

Ses grands-parents paternels sont les descendants de Juifs polonais convertis au christianisme sous le règne de Catherine II.À Moscou, ils sont de grands industriels spécialisés dans la peausserie de cuir grossier.

À la révolution, ils fuient pour la France où ils arrivent complètement démunis. À cette époque, ils bénéficient de peu d’aide pour survivre.
La grand-mère travaillait dans la confection et faisait office de mannequin à chapeau pour les grands couturiers de l’époque.

La vie en Russie

Le grand-père maternel de Ludmilla, arrivé par Odessa, était chef de l’orchestre de Saint-Pétersbourg en charge de la partie italienne de l’opéra et professeur de chant du grand Chaliapine. Sa famille travaillait également dans l’industrie de la peausserie.

En 1913, sa femme décède de la tuberculose, le grand-père fuit la révolution pour se réfugier à Paris, emmenant ses deux fils, sa fille de 6 ans, la mère de Ludmilla, et la nounou.

La vie en France

À Paris, la famille bénéficie de la protection de Madame Von Maeght. Ludmilla se souvient que ce grand-père musicien entretenait des liens d’échanges artistiques et culturels avec les personnalités en vue de l’époque, César Franck notamment.

Elle épouse Wladimir qu’elle rencontre dans le milieu des exilés russes en 1952. Férue elle aussi de musique, elle exerce pendant 50 ans le métier de professeure de piano au conservatoire Rachmaninov, institution dont un de ses grands-oncles fut cofondateur.

Aujourd’hui

Dans la famille des Lentzy, les 5 enfants sont allés à l’école à l’âge de 6 ans, après avoir appris à parler russe avec la nounou de Ludmilla. Aujourd’hui les petits-enfants apprennent à l’école le russe en troisième langue. Une des filles de Ludmilla est elle-même professeure de piano au conservatoire de Bordeaux.

Après la catastrophe nucléaire de Tchernobyl, en 1986, le couple Lentzy s’est engagé pendant 16 ans aux côtés de l’association « Espoir à Tchernobyl » pour recevoir chaque été des enfants et les soigner dans leur maison de retraite de Bernay.

Wladimir LENTZY, 82 ans, Russe d’origine

Né en France d’origine russe

Dans la famille, tous les fils aînés s’appellent Wladimir et Vladimir, en alternance, de manière à distinguer les générations entre elles. Wladimir est issu d’une famille florentine dont l’ancêtre Giuseppe aurait émigré en Russie, à la fin du 18e siècle, sous le règne de Catherine II. Imitant la souveraine allemande, il se convertit à la religion orthodoxe pour s’intégrer au pays.

Son père

En Russie

Le père de Wladimir naît à Kharkov, en Ukraine à la fin du 18ème siècle. Mobilisé pendant la guerre russo-japonaise de 1905, il apprend les arts martiaux auprès des prisonniers japonais et devient instructeur pour l’armée russe. Blessé, il est muté à Odessa, avant de quitter le pays en 1918, au plus fort de la Révolution.

Évacué sur un navire-hôpital français, il atteint l’Afrique du Nord. Il s’engage alors dans la légion française. À la fin de la guerre, son statut d’officier de l’armée russe du tsar rend impossible tout retour au pays. Fort de sa spécialité en arts martiaux, il envisage d’entamer une carrière de gymnaste.

Il est également co-fondateur en France des Sokols russes (une société de gymnastique) et des Vitiaz (mouvement national orthodoxe).

A Paris

À Paris, il devient chauffeur de voiture, comme de beaucoup de Russes exilés, tout en apprenant le métier de masseur kinésithérapeute, ce qui lui permet de se rendre à Vittel, pour y travailler pendant les saisons de cure. Il exerce ce métier pendant 10 ans avant d’ouvrir un établissement de remise en forme qui fonctionne jusqu’en 1942.

Réquisitionné pour le Travail Obligatoire dans l’Organisation TODT, il part comme chauffeur de camion le long du mur de l’Atlantique. Le fait d’avoir combattu pendant la Grande Guerre dans la Légion étrangère lui donne accès à la naturalisation en 1952.

Sa mère

Sa mère, née dans une famille entièrement massacrée pendant la Révolution, est gouvernante des enfants de l’ambassadeur de Suède à Saint-Pétersbourg. En 1914, elle part avec eux vers la Suède. Rejoignant la France, après la guerre, elle travaille dans des ouvroirs où elle apprend la couture.

Elle devient mannequin de chapeau. À Paris, jusqu’en 1972, elle habille les membres de la communauté russe démunie. « Retournant » robes et manteaux, elle gagne la réputation de confectionner des atours avec des bouts de chiffons.

Sa vie en France

Wladimir est né en 1928. Il conserve en mémoire les images des années passées aux côtés de son père à Vittel. La famille habite à proximité de l’église russe, boulevard Malesherbes. À 6 ans, il apprend le français à l’école. Il apprend le théâtre à 14 ans puis entre aux Beaux-Arts à 18 ans.

La famille fréquente les salles et le milieu artistique de l’époque. Sa mère lui enseigne le répertoire de chant. Depuis 1946, il chante dans un chœur le dimanche à l’église russe de Daru.

Devenu architecte après guerre, il travaille avec son collègue Jean Demailly et participe à l’aménagement de la Défense.