Pierre Mac Orlan

Livret du film Marguerite de la Nuit

Ce livret promotionnel concerne l’adaptation cinématographique du roman éponyme de Pierre Mac Orlan, par Claude Autant-Lara, en 1956. Ce film en technicolor mettait en scène Michèle Morgan et Yves Montand.

Marguerite de « l’ennui »

Comme l’indique ce surnom infligé au film par un critique de l’époque, Marguerite de la nuit ne fut pas bien accueilli à sa sortie.

Ce seul film en couleur qui clôt le « parcours cinématographique » de Pierre Mac Orlan, fait curieusement écho à celui qui l’inaugure : « L’Inhumaine » de Marcel L’Herbier. On y retrouve l’un de ses décorateurs, Claude Autant-Lara, devenu entre temps réalisateur.

On y retrouve aussi l’époque à laquelle se situe l’histoire, les années 1920. Sans doute y a-t-il dans les décors spectaculaires commandés à Max Douy une intention de retrouver l’atmosphère fantastique du film de Marcel L’Herbier.

Mais la couleur écrasante du technicolor confère une atmosphère artificielle assumée à ce film symboliste très étrange, aux décors factices : une sorte de volonté de retour à l’expressionnisme tant chéri par Mac Orlan, par un réalisateur formé aux arts décoratifs et qui fit ses gammes dans les années 1920, précisément aux côtés de Marcel L’Herbier, son maître.

Une critique assassine : François Truffaut dans Arts (25/01/1956)

« … Ce film n’est pas intelligent, mais l’intelligence, surtout au cinéma est secondaire ; ce film est de mauvais goût, mais le goût, souvent paralyse un vrai tempérament de cinéaste ; ce film est lourd mais sa légèreté quelquefois engendre la frivolité.

Mais alors, que manque-t-il à Marguerite de la Nuit d’assez important pour pétrifier et agacer le public et les critiques, que lui manque-t-il pour que nous riions quand cela veut être drôle et que nous pleurions quand cela se veut triste ? Il manque l’essentiel, c’est-à-dire la vie qui ne figure pas sur un budget car on ne peut pas l’acheter comme des costumes ou la bâtir comme des décors, cette vie que les grands cinéastes savent installer dans chaque scène, dans chaque image que ce soit avec la solennité de Dreyer ou avec la frénésie de Renoir.

Marguerite de la Nuit est un film mort, un spectacle étrange devant lequel nous n’éprouvons que des sentiments pénibles à commencer par celui d’être trop long : nous ne sommes pas concernés, ce divertissement philosophique et démystificateur n’amuse que les auteurs. »